KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Des conflits violents s’étant invités, des villages proches du lac Édouard, cette vaste étendue d’eau par laquelle l’une des vastes forêts luxuriantes du continent se rompt, se sont vidés de leurs habitants. De l’autre côté de la forêt, des villageois ont ouvert leurs foyers aux déplacés.
Malgré leurs moyens modestes, des familles à Kirumba, une communauté rurale dans la province du Nord-Kivu en RDC, ont partagé leurs maigres ressources avec ces milliers de déplacés internes dont les premiers sont arrivés en 2017.
Malgré la promiscuité, la vie de ces familles rythme avec la débrouille, explique Kasereka Tsongo. Sa famille, composée de quatre membres, a accueilli une famille de huit personnes depuis juin. Optimiser l’espace, c’est la règle. Les hommes et les garçons dorment ensemble. Quant aux femmes et aux filles, elles partagent aussi un même coin pour dormir, confie-t-il.
« Ils mangent ce que l’on trouve à la maison », raconte-t-il. « Lorsqu’il n’y a rien à manger, on ne s’en plaint pas ».
Mais, comme dans tout autre ménage où s’éternisent les hôtes, la brouille ne s’est pas fait attendre. Assurer la propreté dans une famille aussi nombreuse n’est pas chose facile, avoue Tsongo. Des vomissements et diarrhées, signes d’un lieu qui croule sous le poids de l’insalubrité, ont pris pour proie certains d’entre eux.
Une certaine aide étant promise, une organisation humanitaire locale construit des maisons pour des familles déplacées. Mais que de tracas occasionnés par cette initiative pour certains habitants ! Ces habitations devraient être mises à leur disposition car, argumentent-ils, ils ont ouvert leurs maisons, aussi modestes soient-elles, à ces hôtes. Comme si cela ne suffisait pas, des propriétaires à Kirumba seront contraints de faire preuve d’un autre geste, celui de continuer à partager leur espace même après l’achèvement de ces nouvelles maisons. Ces dernières sont érigées sur des parcelles des personnes qui hébergent ces familles déplacées.
Selon Domina Kahambu, une habitante établie de longue date à Kirumba, ces abris en matériaux semi-durables laissent entendre que ces familles déplacées vont rester éternellement. Aussi faudrait-il faire bénéficier certains habitants d’une telle structure, lâche-t-elle.
« Moi aussi je vis dans une maison en chaume », témoigne-t-elle, faisant allusion à son toit de paille traditionnel.
Depuis le début de l’année 2017, près de 5 000 personnes déplacées ont déferlé sur Kirumba, révèle Pablo Paluku Haliposo, président du bureau des déplacés à Kirumba. Elles ont toutes été poussées à quitter leurs maisons dans la région de Rutshuru et dans le territoire de Lubero en raison d’affrontements entre certains groupes armés Maï-Maï et l’armée.
Souvent, ces régions sont en proie à des combats meurtriers opposant des groupes Maï-Maï à d’autres groupes et aux forces gouvernementales pour le contrôle de villages, de routes ou d’autres zones. Parfois, des hommes et jeunes garçons du terroir forment leurs propres groupes Maï-Maï pour protéger leurs maisons, mais d’autres groupes s’affairent à étendre leur contrôle.
Lorsque les groupes Maï-Maï et les forces gouvernementales se déplacent dans ces régions reculées dans l’est de la RDC, des vagues de violences sporadiques se déchaînent. Tantôt, un regain de violences s’abat sur des villages, poussant des habitants à fuir leurs maisons, tantôt le retour de la paix s’annonce suffisant, permettant ainsi aux villageois de regagner leur terroir. Kirumba, une cité commerçante régionale est une destination prisée des personnes déplacées.
Conséquence : les familles ici assistent à des flux et reflux intarissables de gens en quête d’un abri.
Selon ces personnes déplacées vivant à Kirumba depuis 2017, les risques de violence, voire de mort dans leurs villages sont si grands qu’elles choisissent de dormir sur des bâches ou des sacs et de se démener pour subvenir à leurs besoins élémentaires.
Accompagnée de sa famille, Kavira Luvali est arrivée à Kirumba en mai. Karambi, leur village natal, se trouve à 80 km.
« Nous sommes une famille de huit personnes et avons été accueillis dans une famille de sept membres », révèle-t-elle. Nous avons du mal à savoir comment nous partager les chambres de la maison. Pour dormir, on débarrasse tous les objets dans la cuisine après le manger. On dort tout près du foyer avec le risque de se faire brûler ».
En juillet, l’ONG locale Action et intervention pour le développement et l’encadrement social (AIDES) a commencé à construire des abris permanents en faveur de ces familles déplacées pour alléger la pression sur la population locale et améliorer l’accès à l’assainissement pour tous.
Benjamin Munege, coordinateur du projet AIDES, déclare que son organisation a construit environ 1 600 abris dans d’autres régions en 2017. Depuis juillet, elle a construit 1 365 abris dans le territoire de Lubero, dont 465 à Kirumba.
Chaque abri dispose de trois pièces, d’une fenêtre et d’une porte, révèle Munege. Il s’agit d’une amélioration impressionnante vu les conditions actuelles des personnes déplacées et de leurs familles d’accueil.
Selon Muhindo Nzanzu, un habitant de Kirundo, il attend avec impatience ces abris, quelle que soit la complexité de la situation.
Selon lui, sa famille de 13 personnes a accueilli six personnes déplacées qui dorment à même le sol dans sa cuisine.
« Il n’y a pas assez d’espace », déplore Nzanzu.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.